- 23 septembre 2025
- La scène parisienne
- Eric Battye, Emma Houelle
« Le passé porte l’avenir… »
Pour retracer les racines du théâtre, il faut faire un bond dans le temps. Paris n’existe pas encore : la ville s’appelle alors Lutèce. Nous voilà en l’an 53 avant J.-C. Les Romains ont conquis et rebaptisé la colonie gauloise Parisii au lieu de Lutèce. Avec eux, ils apportent les caractéristiques de la civilisation romaine : les thermes, les aqueducs, et, bien sûr, le théâtre. Lutèce est si prospère qu’ils décident de construire à ses habitants le deuxième plus grand amphithéâtre de toute la Gaule, capable d’accueillir jusqu’à 18 000 spectateurs.
À travers les siècles, les arènes finirent par être ensevelies. Plus de deux millénaires après leur construction, à la fin des années 1800, un scandale éclate lorsque cette même arène est découverte lors de travaux de construction. La ville de Paris avait prévu d’y faire construire un dépôt de tramway.
Le peuple se souleva alors contre le conseil municipal, s’opposant vivement à cette décision. Parmi ces manifestants se trouvait nul autre que Victor Hugo, qui écrivit ces mots :
« Il n’est pas possible que Paris, la ville de l’avenir, renonce à la preuve vivante qu’elle fut la ville du passé. Le passé porte l’avenir. Les arènes sont la marque ancienne de la grande ville. »
Sous une pression croissante, le conseil céda. C’est donc le peuple qui l’emporta ! Les Arènes de Lutèce sont toujours debout aujourd’hui, et vous pouvez les visiter gratuitement.
L’arène, tout comme le théâtre, a été conservée : une part indissociable de l’histoire de Paris, et une part incontestable de son avenir.
Ce blog vous fera découvrir certains des moments théâtraux les plus fascinants de la ville, avec des recommandations de spectacles, des lieux incontournables et des histoires cachées en chemin.
Le Moyen Âge – une époque difficile
Nous voici plongés dans le Moyen Âge — souvent surnommé les Temps obscurs.
Lutèce est désormais appelée Paris. L’Empire romain n’est plus qu’un souvenir, et la ville est devenue la capitale du royaume des Francs. Les rois et les reines y règnent au nom du Dieu chrétien, faisant du christianisme une force omniprésente qui régit la vie quotidienne du peuple.
Mais Paris est loin d’être une ville paisible. C’est un lieu agité, en proie à des troubles, des émeutes et des tensions religieuses croissantes entre catholiques et les protestants émergents. Il suffirait d’une étincelle pour mettre le feu aux poudres…
Autrefois admiré, le théâtre devient soudainement suspect. Ses représentations attirent de grandes foules, grâce à des mises en scène souvent comiques, satiriques et irrévérencieuses envers le pouvoir, la religion ou les normes sociales. Les autorités craignent que ces rassemblements ne se transforment en mouvements de révolte. Pour prévenir tout débordement, le Parlement décide de restreindre sévèrement la mise en scène des pièces, n’autorisant que quelques représentations jugées inoffensives.
Privé de statut officiel, le théâtre survit dans les marges, dans les coins sombres d’une ville en tension, toujours sous la menace d’être censuré à la moindre allusion religieuse ou politique.
Ce sont donc là de véritables temps obscurs.
Le saviez-vous ? Face à une censure implacable, les acteurs et dramaturges redoublèrent d’ingéniosité pour préserver leur art. Ils déguisèrent leurs pièces en cérémonies religieuses, en numéros de foire ou même en spectacles de marionnettes afin de contourner les interdictions. Grâce à leur créativité, le théâtre continua de vivre — même dans l’ombre.
Une femme de la renaissance
Réjouissons-nous, mes amis, ces temps obscurs sont derrière nous ! La société s’épanouit. Vive les arts et les sciences ! Nous sommes désormais sortis de l’obscurité.
La nouvelle reine de France, Catherine de Médicis, est une véritable femme de la Renaissance, apportant avec elle d’Italie de nombreux arts différents, notamment le ballet, la commedia dell'arte, l’architecture et les délices de la gastronomie.
Grâce à la passion de la reine pour les arts, le théâtre à Paris évolue au-delà de ses racines médiévales, embrassant les influences italiennes qui insufflent une nouvelle vie aux spectacles et captivent le public. Paris devient désormais un centre culturel dynamique où innovation et créativité vont de pair, préparant la scène pour un nouvel âge d’épanouissement des arts de la scène.
Le saviez-vous ? La commedia dell'arte repose sur des personnages types, tels que Il Capitano, Le Capitaine, un fanfaron vantard qui raconte des histoires ridiculement exagérées de ses prouesses militaires et de ses conquêtes amoureuses. Malgré ses fanfaronnades, il est facilement effrayé, fuit souvent le combat, et est fréquemment dupé par d’autres personnages. Ce type de personnage se retrouve encore aujourd’hui dans la fiction, de Jack Sparrow dans Pirates des Caraïbes à Gaston, le chasseur vaniteux et arrogant du conte français classique La Belle et la Bête.
Le Grand Siècle
Fortement influencée par la commedia dell’arte, avec un intérêt renouvelé pour les classiques (de la Grèce antique et Rome), une nouvelle génération d’écrivains fait sensation sur les scènes parisiennes. Parmi eux se trouvent Corneille (Le Cid) et Racine (Phèdre), et — peut-être le plus célèbre de tous — Molière.
On retrouve des traces à la fois de la commedia dell’arte et du théâtre classique dans Les Fourberies de Scapin (1671) de Molière : Scapin est directement inspiré d’Arlequin, caractérisé par son humour burlesque, ses déguisements et ses stratagèmes. La fameuse (et hilarante) scène du sac dans laquelle Scapin persuade son maître de se cacher — puis le bat — est un gag classique de la commedia dell’arte. Molière tire son intrigue de Plaute, qui a écrit de nombreuses comédies où un esclave rusé manipule ses maîtres, de la même manière que Scapin le fait.
Voilà donc la preuve que le passé porte véritablement l’avenir. Sans l’influence des Romains, ni celle de Catherine de Médicis, beaucoup des pièces brillantes de Molière n’existeraient pas.
La plus célèbre institution théâtrale française est la la Comédie-Française. Nous sommes maintenant en 1680, sept ans après la mort de Molière, et Louis XIV a fusionné les deux troupes de théâtre les plus importantes de Paris, unifiant la scène théâtrale et standardisant le répertoire.
Près de 350 ans plus tard, la Comédie-Française continue de ravir son public, offrant des spectacles à des prix abordables. Bien qu’elle soit renommée pour les classiques, elle présente aussi des pièces d’auteurs contemporains et des pièces classiques avec des mises en scène contemporaines !
Tu dis que tu veux une révolution…
Nous sommes maintenant en 1784, et les rues de Paris bruissent de scandale. Une nouvelle pièce de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (plus connu sous le nom de Beaumarchais) s’apprête à entrer dans l’histoire à la Comédie-Française. Quel est le titre de la pièce ? Le Mariage de Figaro.
En apparence, c’est une comédie classique avec des déguisements, de stratagèmes et des histoires d’amour qui s’entrecroisent. Mais écoutez attentivement, et vous comprendrez pourquoi elle est devenue si célèbre. Figaro, un valet, ose défier son maître, le comte Almaviva, ridiculisant les privilèges de la noblesse avec une ironie acérée. Bien que Les Fourberies de Scapin de Molière ait précédemment suivi une intrigue similaire, Scapin ne critiquait pas ouvertement le système à la mesure de Figaro. Dans une société où le Roi règne et où la naissance détermine le destin, cela relève de la pure révolution.
Lors d’une représentation privée, Louis XVI aurait interrompu la tirade de Figaro contre le gouvernement et les prisons d’État en se levant et en déclarant :
« C’est détestable ; cela ne sera jamais joué ; la Bastille doit être détruite avant que l’autorisation de jouer cette pièce puisse être autre chose qu’un acte de la plus dangereuse incohérence. Cet homme se moque de tout ce qui doit être respecté dans un gouvernement ».
Pourtant, la pièce fut jouée. Le public éclata de rire et d’applaudissements, les paroles audacieuses de Figaro reflétant leurs propres frustrations. Cinq ans plus tard, la Bastille tomberait, et la révolution serait déclenchée.
Durant la Révolution, les théâtres devinrent des lieux de rencontre pour les idées, la protestation et la célébration. Le Mariage de Figaro n’était plus un simple divertissement : c’était un miroir reflétant un monde où les valets surpassaient leurs maîtres et où le peuple revendiquait sa voix.
Le romantisme
Faisons maintenant un saut au XIXe siècle. La Révolution et l’ère napoléonienne ont laissé leurs marques, et les artistes ainsi que les écrivains se tournent désormais vers l’émotion, l’histoire et l’héroïsme : bienvenue à l’époque romantique.
Nous retrouvons Victor Hugo, la figure majeure du romantisme français. Les scènes parisiennes s’animent désormais de drames tels que Hernani (1830) — qui provoqua une émeute lors de sa première représentation. Pourquoi ? Parce que Hugo brisa les règles rigides du théâtre classique. Ses héros sont des personnages issus de tous horizons, parlant dans un mélange de vers et de prose, de dialecte populaire et de registre noble.
Paris elle-même devient un personnage dans le théâtre romantique. Dans Les Misérables, on voit les rues, les barricades et le cathédral de Paris devenir des symboles vivants d’espoir et de rébellion. Le théâtre de cette époque n’est plus qu’un simple divertissement. C’est un appel à ressentir, à imaginer et à se souvenir de la Révolution.
Nombre des œuvres littéraires de Hugo seront également adaptées sur scène : par exemple, son chef-d’œuvre, Notre-Dame de Paris, a été transformé en une vaste et somptueuse comédie musicale, ainsi qu’en un ballet épique et tragique.
L’absurdité de la vie
Comment représenter la réalité ? Comment, après deux guerres mondiales, la mort mécanisée et l’invention de la bombe nucléaire, donner un sens à la vie et au monde qui nous entoure ?
Peut-être que le monde a perdu toute signification. Peut-être que, comme Camus nous l’enseigne, la vie est absurde.
Les dramaturges reflètent cela : par exemple, La Cantatrice chauve d’Ionesco (1950), où les personnages parlent en rond, les conversations s’effondrent en non-sens, et le sens lui-même semble s’évaporer. Le public est à la fois perplexe, amusé et déstabilisé.
Pourtant, dans cette confusion, il y a une étrange clarté : un miroir est tendu à nos vies étranges, reflétant et se moquant de nos existences modernes. Le théâtre de l’absurde n’offre pas de réponses, mais il nous force à affronter l’effondrement des anciennes certitudes, des vérités apparemment évidentes. Le monde ne sera plus jamais le même.
Nous y étions, maintenant nous voilà
Le futur ne peut surbvenir sans le passé, le futur est une culmination du passé. Paris est une ville hantée par des fantômes théâtraux. Molière continue de parcourir les scènes de la Comédie-Française, et les pièces de danse contemporaine au Théâtre Chaillot doivent autant à l’introduction du ballet en France par Catherine de Médicis qu’à Ionesco et son théâtre de l’absurde.
Peut-être que la prochaine étape, le « pas encore passé », sera technologique. Alors que Paris accueille toujours plus de visiteurs et devient de plus en plus multiculturelle, ses scènes commencent à adopter la technologie des surtitres pour permettre à des spectateurs de toutes langues et origines de profiter du théâtre.
Qui sait ? Seul le temps le dira. Une chose est cependant certaine : les décisions que nous prenons de notre vivant façonneront à jamais celles des générations à venir.
Un cadeau inoubliable…
Vous souhaitez faire un cadeau à un ami et… vous n’avez pas d’idée, vous hésitez entre plusieurs choses ! Grâce à notre bon cadeau, vos amis pourront choisir eux-mêmes leur cadeau dans notre liste de spectacles, de concerts, de cabarets ! Voilà qui leur permettra de passer une soirée vraiment inoubliable dans la capitale.
Et il y en a encore bien plus à découvrir…
Que vous soyez un fan aguerri ou que vous ayez en quête de découvertes, la newsletter de Theatre in Paris saura vous guider ! Une fois par mois ou plus, vous recevrez un e-mail rédigé par nos soins, avec notre sélection du moment, nos meilleurs conseils, les meilleures promotions, et bien plus !
Vous pouvez également nous suivre sur Facebook, Instagram, Pinterest et TikTok. Pour nous suivre, cliquez ici pour accéder à notre page Link in Bio.

