L'incroyable vie de Joséphine Baker

  • 12 novembre 2021
  • Paris sous tous les angles
  • Eléonore Duizabo

Le 30 novembre 2021, Joséphine Baker fera son entrée au Panthéon. Elle est la 6ème femme et la première femme noire à entrer dans le monument français. La chanteuse, danseuse et héroïne de la Résistance a connu une vie mouvementée entre les États-Unis et Paris et est l’une des figures majeures des Années Folles en France. Mais qui était donc Joséphine Baker ? Retour sur l’incroyable vie de l’artiste et activiste à Paris, le rôle important qu’elle a joué aussi bien sur les planches des théâtres parisiens que dans la vie sociale et politique française.

Il était une fois en Amérique

Freda Josephine McDonald naît en 1906 dans le Missouri, dans une famille d’artistes pauvres. Très jeune, elle doit alterner entre l’école et les travaux domestiques. À 13 ans, elle se marie et devient serveuse et danseuse. Déjà rebelle, son mariage ne dure qu’un mois et elle rejoint la troupe de vaudeville des Dixie Steppers en tant qu’habilleuse avant d’intégrer le chœur des danseuses. En tournée à Philadelphie en 1921, elle épouse Willie Baker et garde son nom même après leur séparation.
Mais Joséphine Baker rêve de plus grand et elle quitte son deuxième mari pour rejoindre Broadway. Elle intègre le spectacle à la distribution entièrement noire Shuffle Along en tant qu’habilleuse. Désireuse de monter sur scène, elle apprend toutes les chorégraphies et chansons du spectacle et lorsqu’une danseuse tombe malade, elle la remplace au pied levé. Le public new yorkais tombe sous le charme de sa personnalité pétillante et de son sens inné de la comédie. Elle apparaît ensuite dans The Chocolate Dandies et dans la revue du Plantation Club. C’est dans ce dernier qu’elle se fait repérer par Caroline Dudley qui lui propose d’être la vedette d’un spectacle à Paris.

Joséphine Baker aborde sa jupe de bananes aux Folies Bergère et danse le Charleston au Théâtre des Champs-Elysées. ©Waverly

Direction Paris

En septembre 1925, Joséphine Baker et sa troupe embarquent pour Paris. Quelques semaines plus tard, Josephine Baker intègre La Revue Nègre au Théâtre des Champs-Elysées. Sa performance fait scandale et le tout Paris se bouscule pour découvrir cette artiste qui danse, à moitié nue, le charleston, gonfle ses joues et gesticule dans tous les sens. C’est ensuite au Folies Bergère que Joséphine Baker est en tête d’affiche de la revue Folie du Jour. C’est là que la danseuse arbore son costume phare : une jupe de bananes ! Sa renommée est désormais mondiale et elle est connue dans le monde entier aussi bien pour ses danses enflammées que pour ses folies mondaines, comme sa carriole tirée par une autruche dans les rues de Paris. Elle règne en maîtresse sur les Années Folles.

Josephine Baker vue par Nadar et Paul Chaussaing

La muse des artistes parisiens

Son talent et son caractère rebelle fascinent les artistes parisiens et particulièrement les cubistes qui admirent ses formes et son avant-gardisme. Joséphine Baker se fait rapidement surnommer “La Vénus Noire” et “La Perle Noire”. Se rendant aux quartiers Montparnasse, Montmartre et Saint-Germain-des-Prés, elle fréquente les artistes parisiens, pose pour Man Ray, Picasso et Nadar et inspire les écrits de Fitzgerald et Paul Morand. Suivant les conseils de Pepito, son agent et amant, elle participe au film La Sirène des Tropiques avant de partir en tournée mondiale. De retour aux Folies Bergère en 1930, Joséphine Baker apparaît sur scène aux côtés de Chiquita, un guépard qui fait frissonner le public ! Elle rencontre de nouveau le succès en interprétant la chanson “J’ai deux amours”. Elle alterne la vie sur les planches et sur les plateaux de cinéma, en France comme à l’étranger. En 1937, elle épouse l'homme d’affaires Jean Lion et tous deux s’installent au château des Milandes en Dordogne, château que l’artiste renomme “château de la Belle au Bois dormant”.

Résistante et espionne lors de la guerre

Lorsque la guerre est déclarée en 1939, Joséphine Baker chante pour les soldats au front. Puis, elle devient agent du contre-espionnage en France et en Afrique du Nord, récolte des informations en fréquentant la haute société et fait même passer des messages secrets dans des partitions ou en les cachant dans son soutien gorge ! Enfin elle s’engage dans l’Armée de l’air et se mobilise pour La Croix-Rouge. Pour ses actions héroïques elle est honorée de plusieurs médailles et est faite chevalier de la Légion d’Honneur. Elle épouse Jo Bouillon, son quatrième mari en 1947 et adopte 12 enfants de toutes origines qu’elle appelle “tribu arc-en-ciel”.

Josephine Baker lors de représentations aux Pays-Bas ©Harry Pot - ©Eric Koch Nationaal Archief

Activiste engagée et déclin de sa gloire

Joséphine Baker retourne aux Etats-Unis en 1947, 11 ans après le fiasco qu’elle a connu aux Ziegfeld Follies. Mais dans son pays natal, elle est victime de ségrégation raciale. Elle s’engage pleinement dans la lutte antiraciste et refuse de jouer si les personnes noires ne sont pas admises. Dans les années 60, elle soutient Martin Luther King. Mais elle n’arrive pas à retrouver le succès des années 20, est criblée de dettes et se voit bientôt expulsée de son château. C’est finalement Grace Kelly, la princesse de Monaco qui offre un logement à Joséphine Baker et à sa tribu en échange d’une performance au Gala de la Croix-Rouge de Monte Carlo... Bien que souffrante, Joséphine Baker court toute l’Europe pour honorer ses contrats. À partir de 1969, elle retrouve la scène à L’Olympia, est ovationnée au Carnegie Hall et au London Palladium. En 1975, elle célèbre ses 50 ans de carrière au Théâtre Bobino et les critiques l’acclament.
Le 10 avril 1975, au lendemain de sa quatorzième représentation, Joséphine Baker est victime d’une attaque cérébrale et s’éteint deux jours plus tard à Paris. Ses hommages militaires et funérailles ont lieu à l’Église de la Madeleine où plus de 20.000 parisiens peuplent les rues alentour pour rendre hommage à l’artiste, activiste et patriote.

Le Panthéon de Paris

Entre ici Joséphine

Mais qu’est-ce donc que la Panthéonisation ? La Panthéonisation signifie le transfert des restes d’une personne au sein du Panthéon. Cette église bâtie au milieu du XVIIIème siècle devait à l'origine abriter les reliques de Sainte Geneviève. Depuis la Révolution française, le monument a pour vocation d’honorer les grandes figures de l’Histoire française, aussi bien au niveau politique que scientifique et artistique. On y retrouve par exemple Victor Hugo, Émile Zola, Marie Curie et Alexandre Dumas. L’entrée au Panthéon n’est accordée qu’aux « grands hommes qui ont mérité la reconnaissance nationale » De nos jours, c’est le Président de la République française qui choisit quelle personnalité française peut être inhumée au Panthéon. Dans le cas de Joséphine Baker, l’essayiste Laurent Kupferman soutenait depuis plusieurs années l’idée de la Panthéonisation de la chanteuse. Il lance une pétition nommée “Osez Joséphine” (en rappel de la chanson du même titre d’Alain Baschung), appelant le chef de l’État à honorer Joséphine Baker. Le 22 août 2021, Emmanuel Macron annonce que Joséphine Baker fera son entrée le 30 novembre 2021. Cette date n’est pas fortuite car le 30 novembre 1937, Joséphine Baker était naturalisée française. Joséphine Baker sera la 81ème personne à faire son entrée au Panthéon et la première femme noire, cependant, son corps restera à Monaco où elle est enterrée.