Théâtre : les questions que tout le monde se pose

  • 29 septembre 2025
  • La scène parisienne
  • Eric Battye

Les traditions et superstitions au théâtre…

Le théâtre, mis à nu

C’est le début de la pièce. Les lumières s’éteignent et les comédiens entrent en scène dans l’obscurité. Ces personnes sont alors sur scène, feignant l'absence du public, incarnant des personnages fictifs. Elles échangent un dialogue exagérément fort à propos de choses qui n’existent même pas. Le théâtre, n’est-ce pas un art absurde ?
Et nous voilà assis dans le public, dans un silence religieux – après avoir trouvé une baby-sitter pour garder les enfants, s’être bien habillés, traversé la moitié de la ville en métro, dépensé trop d’argent pour dîner – tout cela juste pour entrer dans cette salle et rester dans le noir pendant deux heures.
Pourtant, après quelques minutes, tout cela s’efface. Vous ne pensez plus à vous – ni à votre quotidien – car vous vous êtes complètement effacé. Vous vous êtes fondu dans quelque chose de plus vaste : une expérience collective. Durant ces deux heures, vous, comme tout le reste du public, êtes réunis, partageant la même expérience – les mêmes pensées et les mêmes émotions.
Quand le rideau tombera, vous vous lèverez, vous vous frayerez un chemin vers la sortie, reprendrez le métro et retrouverez vos vies. Mais pendant un instant, vous n’étiez qu’un avec salle. Voilà la magie du théâtre.

Il est bien naturel de vouloir comprendre comment cette magie opère. Et si un magicien ne révèle jamais ses secrets, le théâtre, lui, est moins avare. C’est précisément pour cela que nous sommes ici – pour répondre à vos questions les plus brûlantes et lever le rideau sur le monde caché derrière la scène.

Pourquoi les sièges de théâtre sont-ils rouges ?

La couleur rouge cramoisi des sièges de théâtre n’est pas juste un choix esthétique. Elle repose sur des raisons à la fois pratiques et historiques. En voici quelques-unes :

  • La tradition historique :
    Le rouge est depuis longtemps associé à la royauté, à l’élégance et au luxe. Comme de nombreux anciens théâtres étaient placés sous le patronage royal (par exemple la Comédie-Française), seuls les meilleurs matériaux étaient utilisés, et le rouge était souvent choisi pour évoquer la sophistication et la grandeur. Une couleur parfaite pour ces lieux prestigieux.
  • La psychologie des couleurs :
    Le rouge est une teinte chaude qui attire l’attention et crée une atmosphère vivante et engageante. Elle est liée à des émotions fortes, ce qui peut intensifier l’expérience théâtrale. En même temps, elle reste agréable à l’œil sans être distrayante pendant la représentation.
  • Le côté pratique :
    Le théâtre, ce n’est pas que du faste et des paillettes ! Le rouge foncé est excellent pour dissimuler la saleté et l’usure, un facteur crucial dans des espaces très fréquentés comme les salles de spectacle. Cela signifie que les sièges conserveront leur apparence plus longtemps qu’avec l’utilisation de couleurs plus claires.
  • Le confort visuel :
    Le rouge ne fatigue pas les yeux pendant les représentations en soirée. Il est suffisamment discret pour ne pas gêner l’attention du public, tout en ajoutant une touche d’élégance.
  • La cohérence esthétique :
    Dans de nombreux théâtres, les murs et les rideaux sont également rouges ou dans des tons similaires. Cela crée une harmonie visuelle et permet au public de rester concentré sur la scène grâce à un arrière-plan sombre et uniforme.

Ainsi, bien que la tradition des sièges rouges remonte à plusieurs siècles et visait à créer une ambiance luxueuse, son maintien s’explique aussi par le côté pratique de cette couleur, ainsi que par son effet visuel agréable.

Puis-je huer ?

Oui. Il est permis de huer à la fin d’une représentation – et cela arrive encore, notamment à l’opéra – mais cela dépend du contexte, du type de spectacle et de la culture du théâtre que vous fréquentez.

  • Dans le théâtre classique ou traditionnel :
    Huer faisait autrefois partie intégrante des droits du public, un moyen d’exprimer vocalement une critique à l’égard d’une mauvaise performance. Dans le passé – notamment dans le théâtre en plein air ou le vaudeville – le public était très indiscipliné, souvent bien éméché, et les huées étaient fréquentes lorsqu’un acteur ou un spectacle ne répondait pas aux attentes.
  • Les réactions contemporaines :
    De nos jours, huer est plus rare et souvent perçu comme un manque de respect, tant envers les artistes qu’envers les autres spectateurs. Toutefois, cela peut encore arriver, en particulier lorsqu’un spectacle est controversé ou mal perçu par le public.
    En 1830, une pièce de théâtre a déclenché un véritable tumulte à Paris : Hernani, écrite par Victor Hugo. Cette œuvre audacieuse rompait avec les règles strictes du théâtre classique. Elle représentait une nouvelle manière de faire du théâtre : plus libre, plus émotive, plus proche de la vie. Mais cette nouveauté n’a pas plu à tout le monde.
    Le soir de la première, la salle était remplie non seulement de spectateurs venus voir la pièce, mais aussi de deux groupes bien distincts : d’un côté, les défenseurs de l’art classique, attachés aux règles anciennes ; de l’autre, les partisans du romantisme, soutenant l’audace de Victor Hugo. Très vite, les échanges ont dépassé les mots : huées, moqueries, cris – et parfois même bagarres – ont éclaté dans la salle.
    Ce grand affrontement est resté célèbre sous le nom de la bataille d’Hernani. Et même si cela ressemblait à un chaos, cette bataille a marqué un tournant dans l’histoire du théâtre français. Elle a ouvert la voie à une plus grande liberté artistique, en donnant naissance au théâtre romantique. Aujourd’hui encore, on se souvient de ce moment comme d’un symbole fort de la liberté de création.
  • L’importance du contexte :
    Dans des institutions comme l’opéra ou la Comédie-Française, les spectateurs sont généralement plus retenus. Le mécontentement s’exprime davantage par des applaudissements tièdes ou le silence plutôt que par des huées manifestes. Dans des salles plus petites ou moins formelles, huer peut encore être acceptable. Par ailleurs, si vous assistez à une pantomime ou du théâtre de boulevard, sentez-vous libre de huer, de crier, de rire à gorge déployée – la participation du public est un élément clé de ces spectacles !
  • Des alternatives aux huées :
    Si vous n’avez pas apprécié la représentation, une approche plus respectueuse consiste à partir discrètement ou à exprimer votre avis de manière constructive après le spectacle, que ce soit en discutant avec d’autres spectateurs ou en écrivant au théâtre.

Ainsi, bien que tout le monde soit autorisé à huer (qui peut vous en empêcher !), cela devient un phénomène de plus en plus rare et considéré de nos jours comme peu respectueux du travail des artistes ou des autres spectateurs qui eux peuvent avoir aimés le spectacle.
Si la pièce l’exige… alors là, c’est autre chose… (bien sûr !), il vous alors possible de donner libre cours aux huées !

Quel est le rôle du metteur en scène ?

Le metteur en scène est essentiel proposé une vision d’une œuvre. Si le dramaturge fournit les plans d’une maison, le metteur en scène est celui qui a la responsabilité de la construire. Ses responsabilités comprennent :

  • L’interprétation de l’œuvre :
    Le metteur en scène analyse la pièce et choisit une perspective ou une interprétation spécifique. Cette interprétation peut mettre en lumière des messages ou des émotions déjà présents dans le texte, ou faire ressortir de nouveaux thèmes à travers une réinterprétation.
  • La direction d’acteurs :
    L’un des aspects les plus importants de son travail est de s’assurer que les performances des acteurs correspondent à sa vision de l’œuvre. Il travaille étroitement avec les comédiens pour qu’ils incarnent pleinement leurs personnages et transmettent le message voulu tout au long du spectacle.
  • Les choix esthétiques et techniques :
    Une grande partie de la mise en scène passe par des choix esthétiques concrets. Si l’apparence du spectacle est incohérente avec le contenu de la pièce, la représentation semblera confuse et désordonnée. Le metteur en scène collabore donc étroitement avec les scénographes, costumiers, maquilleurs, techniciens lumière et son, et parfois des musiciens, pour renforcer l’atmosphère du spectacle.

La brillante réinterprétation par Elsa Granat de La Mouette de Tchekhov, intitulée Une Mouette, est un bon exemple du rôle que joue un metteur en scène. Son interprétation de la pièce se concentre sur les thèmes de l’amour contrarié, des rêves brisés et de la quête de soi.

Alors que Tchekhov accordait une importance égale à tous les personnages, Granat plonge dans l’univers d’Arkadina, célèbre actrice vieillissante et mère de Treplev, un jeune écrivain en herbe. C’est une figure complexe – vaniteuse, égocentrique et souvent émotionnellement distante, notamment envers son fils. Pourtant, elle est aussi intelligente, spirituelle et capable d’un grand charme. En se focalisant sur ce personnage unique – et en veillant à la cohérence entre jeu et esthétique – Granat insuffle un souffle nouveau à ce classique.

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Pourquoi la tradition des « trois coups » avant les pièces a-t-elle disparu ?

Les trois coups – frappés au sol avant une représentation – sont une tradition typiquement française, avec plusieurs significations :

  • Annoncer le début de la pièce :
    Les trois coups signalaient au public que le spectacle allait commencer et qu’un silence était attendu.
  • Un rituel symbolique :
    Depuis le XVIIe siècle et l’avènement de la Comédie-Française, ces coups marquaient la solennité de l’événement théâtral.
  • Des références thématiques :
    Certains interprètent les trois coups comme symbolisant les trois unités classiques du théâtre (action, temps et lieu).

 

Un régisseur ou machiniste frappait la scène ou une partie du décor avec une canne juste avant que le rideau ne se lève. Bien que ce rituel soit emblématique, il a disparu pour plusieurs raisons...

  • L’évolution de la mise en scène :
    Le théâtre contemporain s’est éloigné des traditions rigides au profit de transitions plus fluides et naturelles.
  • L’évolution de la relation avec le public :
    Les frontières entre la scène et le public sont de plus en plus floues, rendant ce type de signal formel désuet.
  • De nouveaux éclairages et design sonore :
    De nombreux spectacles débutent désormais dans le noir, avec une montée progressive de la lumière et du son. Voici qui offre une entrée plus immersive que ces fameux trois coups.
  • Moins d’importance accordée aux conventions classiques :
    Avec la montée du théâtre expérimental et immersif, les traditions formelles comme les trois coups ont été largement mises de côté. Néanmoins, certaines représentations traditionnelles continuent de les inclure par nostalgie ou en hommage au passé.

« Casse-toi une jambe », « Merde » … Pourquoi dire de telles horreurs aux comédiens ?

Dire « merde » aux acteurs avant qu’ils ne jouent est une superstition théâtrale française ancienne datant du XIXe siècle. À cette époque, plus il y avait de monde au théâtre, plus de chevaux et de calèches se rassemblaient à l’extérieur – et plus il y avait de crottin près de l’entrée. Donc, beaucoup de merde signifiait une grande affluence, et donc le succès. Souhaiter « merde » à quelqu’un était une façon de dire : « J’espère que ton spectacle attirera beaucoup de monde. »

Dire « Casse-toi une jambe » à un acteur avant une représentation est une superstition du théâtre anglo-saxon. Étonnamment, cela ne signifie pas que l’acteur doit réellement se casser la jambe ! C’est en fait une manière détournée de souhaiter bonne chance sans prononcer ces mots, car dans le milieu théâtral, dire « bonne chance » porterait malheur.
Deux principales théories expliquent l’origine de cette curieuse expression. La première est celle de la révérence : faire une révérence après une performance réussie implique de plier la jambe – on « casse » littéralement la ligne de la jambe. Souhaiter cela revient à espérer que l’acteur aura l’occasion de saluer sous les applaudissements.
L’autre explication viendrait de la « ligne de la jambe », qui désignait le bord du rideau de scène. À l’époque, les acteurs attendaient derrière cette ligne pour savoir s’ils allaient être appelés à jouer. Ne pas franchir cette ligne signifiait ne pas monter sur scène – et donc ne pas être payé. Ainsi, dire « casse une jambe » revenait à souhaiter à un comédien de franchir cette ligne, de jouer son rôle, et de recevoir un cachet.

En conclusion, cette formule étrange est une façon traditionnelle, teintée d’humour et de superstition, d’encourager un acteur avant de monter sur scène.

Pourquoi ne pas simplement dire « bonne chance » ?
Au théâtre, dire « bonne chance » est considéré comme portant malheur. C’est pourquoi des phrases codées comme « merde » (en français) ou « casse-toi une jambe » (en anglais) sont utilisées à la place.

Comment répondre ?
Par superstition, un acteur français ne doit pas répondre par « merci ». Il peut plutôt dire « je prends » ou ne rien dire du tout. Cette superstition ne s’applique toutefois pas aux artistes anglophones, qui répondent souvent par « Thank you ».

Ces étranges traditions restent un rituel encore très ancré avant chaque représentation chez les artistes anglophones et francophones du monde entier.

Pourquoi le violet est-il une couleur porte-malheur au théâtre ?

Dans le monde du théâtre français, le violet est traditionnellement considéré comme une couleur porte-malheur. Cette superstition remonte au Moyen Âge et trouve son origine dans une réalité historique. À l’époque, pendant le Carême – la période de jeûne et de recueillement précédant Pâques dans la tradition chrétienne – les représentations théâtrales étaient strictement interdites. Les comédiens, qui vivaient de leur art, se retrouvaient sans travail ni revenu pendant plusieurs semaines, ce qui engendrait de grandes difficultés financières. Or, le violet est la couleur liturgique associée au Carême : les prêtres en revêtaient leurs habits, et les églises étaient décorées de cette teinte sombre et austère. Avec le temps, le violet est ainsi devenu pour les artistes un rappel visuel de ces périodes de privation et d’incertitude. Aujourd’hui encore, nombreux sont les acteurs et metteurs en scène qui évitent de porter du violet sur scène ou même dans les coulisses, par crainte que cela n'attire la malchance.

Tout comme l’expression « merde » utilisée pour souhaiter bonne chance, certaines superstitions continuent de traverser les siècles. Encore aujourd’hui, le violet est souvent évité sur scène ou dans les costumes, par crainte qu’il ne porte malheur. Même si l’origine de cette croyance – liée au Carême et aux difficultés du Moyen Âge – est souvent oubliée, la superstition, elle, perdure dans les mentalités du monde théâtral.

Le vert est également banni dans de nombreuses productions. Cette couleur est associée à une autre superstition bien connue : selon la légende, Molière serait mort sur scène en portant du vert lors d’une représentation du Malade Imaginaire.

À noter : cette tradition des couleurs n’existe pas dans les théâtres anglo-saxons.

Et maintenant... C'est à vous de casser une jambe !

Les superstitions, qu'elles concernent une couleur, une expression ou un geste, sont autant de petits rituels qui traversent le temps et unissent les artistes, entre traditions, croyances et clins d'œil au passé. Et si vous avez envie de découvrir tout cela par vous-même — sans (trop) craindre le violet ou le vert — les ateliers théâtre Astoria vous ouvrent grand leurs coulisses !

Pour ces ateliers, on ne vous jettera pas de malédiction si vous portez un foulard violet… Promis ! Mais on vous invite à plonger dans l’univers passionnant du théâtre : incarner des personnages, travailler en groupe, explorer des textes classiques et contemporains… et peut-être même inventer vos propres superstitions. Alors, cassez-vous une jambe… et rejoignez-nous sur scène !

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